Gorée, côté pile ou face ?

11 avril 2009

Embarquons aujourd'hui pour la petite île de Gorée.

Gorée est une île à double facette.
Allez savoir, cela tient peut-être de sa géologie ? L'iîe, située dans le prolongement de l'alignement du point chaud du Cap Vert (tout comme les mamelles de Dakar, dont je vous parlais le 02/04/09), est en effet composée en grande partie de basalte dans toute la partie basse. La partie haute de l'île (puisque du point de vue topographique, elle présente aussi ses 2 faces), au Sud, est quant à elle composée d'un plateau granitique...

J'y suis retourné pour la seconde fois, et Gorée est bien une île que je déteste autant que je l'adore !

Toute la magie du lieu vient justement d'un autre dilemme auquel Gorée est confrontée : bien qu'à 20 mn de chaloupe à peine de Dakar, on jurerait pourtant être à 1000 lieux de là. Il n'est ainsi rien de meilleur que d'y aller pour traîner ses pieds dans des ruelles où le temps semble s'écouler au goutte-à-goutte : de n'y aller que pour flâner au milieu de ruelles dont les couleurs, sentant venir la nuit, explosent avec la fin d'après-midi...

Mais ça, c'est pour son côté pile...

Parce que, hélas, le premier visage qu'elle nous présente est clairement du côté face : tous les marchands de bricoles, guides en tous genres, et artistes de tout poil se tiennent prêts à vous assaillir à peine le pied posé sur la terre ferme !
Si le principal intérêt touristique de l'île est justement de pouvoir se balader peinard en s'extirpant du rythme dakarois... ce tourisme, dans un mouvement bien typique d'autodestruction péchant par l'excès, engendre justement les effets inverses.

C'est pourquoi tâchez d'y aller en fin de journée (l'île ne fait que 18 hectares) : vous croiserez les flots de touristes rentrant sur le continent. Gorée respire à nouveau et son cœur semble alors se remettre à battre à un rythme plus paisible...

Autre dualité : étonnamment, l'atmosphère qui règne est en complète contradiction avec son Histoire, qui fut torturée, violente, prise dans les remous historiques autant que dans ceux des courants atlantiques : elle fut en effet conquise par les Portugais au XVe siècle, puis au XVIe par les Hollandais (qui la baptisèrent "Goede Reede", "bonne rade", d'où elle tire son nom). Un siècle plus tard ce sont les Français qui firent main basse sur elle, avant qu'elle soit prise par les Anglais, puis à nouveau par les Français : Gorée sera ainsi annexée et réannexée 15 fois d'affilée !
S'ajoute à cela que l'île porte aujourd'hui les stigmates de l'esclavage (quoique son importance quantitative dans le commerce triangulaire tienne plutôt d'un mythe bien construit) : Gorée s'est trouvée depuis quelques décennies la vocation de mémorial.

Il est en tout cas bien agréable d'en arpenter les rues. Les bâtiments nous font croire de temps à autre à un village provençal, avec des couleurs chaudes qui sans aller si loin, rappellent beaucoup la ville de Saint-Louis à l'architecture coloniale très similaire...

Quoique, encore là, on peut hésiter entre pile et face... Finalement, Saint-Louis pourrait en effet correspondre à la face pile de Gorée : classée au patrimoine mondial par l'Unesco et du fait de sa promiscuité de Dakar, Gorée est l'un des pôles touristiques de la région.
L'île a donc un cran d'avance en termes de rénovation sur Saint-Louis... Ça m'a paru d'autant plus flagrant que j'avais fait les deux visites quasiment coup sur coup l'an passé : ce qui fait le gros du charme de Saint-Louis est pour moi justement cet aspect un peu décrépit que j'évoquais le 17 juillet dernier...
Mais à mesure que l'île de Gorée se restaure, elle perd un peu de son âme et de son charme.

Encore un dilemme donc, celui, éternel, des programmes de restauration...