Architecture soudanaise (1)
Tout au long du Niger, de Ségou à Mopti... Quelque soit la taille du village, même les plus petits, c'est une richesse d'architecture de terre :
Alors partons
à la découverte de l'architecture soudanaise !
Ce terme de Soudan est utilisé dans un tas de contextes différents et fait référence à des zones géographiques plus ou moins larges... Ici il ne s'agit en aucun cas du Soudan, pays d'Afrique de l'Est.
Ce terme correspond également à une zone de l'Afrique occidentale, qui autrefois portait le nom de Soudan et qui s'étendait sur les territoires actuels du Burkina Faso, du nord de la Côte d'Ivoire, du Ghana, de la Mauritanie et du Mali. C'est probablement à cette région que fait référence le nom d'architecture soudanaise (ou soudanienne).
Cependant, pour d'autres, la qualification de soudanaise (pour l'architecture comme pour la végétation) ferait plus précisément référence à l'ancien Soudan Français correspondant aux anciennes colonies du Haut-Sénégal Niger (région du Mali).
Quoi qu'il en soit, ce terme de Soudan trouve son origine dans le "Bilad-es-Sudan" ("pays des hommes noirs") des auteurs arabes du moyen-âge et désignant l'Afrique sub-saharienne. Il est en opposition au "Bilad-es-Beidan" ("pays des hommes blancs").
Le style architectural soudanais correspond donc à des constructions assez monumentales en banco et recouvertes d'un torchis qui doit être refait chaque année, vers le mois d'avril, c'est à dire avant que n'arrivent les pluies de l'hivernage.
L'exemple type de cette architecture est la mosquée de Djenné (photo ci-contre - merci wikipedia), la plus grande construction en banco du monde, qui donne lieu chaque année à une grande fête pendant laquelle toute la ville participe au crépissage.
Sans aller jusqu'à Djenné, le 2e jour de navigation en partant de Ségou, vous découvrirez la mosquée de Diafarabé. Une splendeur :
Les caractéristiques de cette architecture, outre le fait qu'il s'agisse de constructions en banco, sont de présenter des murs renforcés par des piliers, ou pilastres, légèrement plus haut et terminés par des croisées d'ogives.
Les plus hauts pilastres présentent généralement à leur sommet le croissant de l'islam... mais on trouve également très souvent des oeufs d'autruche ! C'est ainsi le cas en haut de la mosquée de Mopti (photo ci-contre), dont nous reparlerons la prochaine fois...
Ce n'est visiblement qu'assez tardivement qu'est apparu le classique croissant.
Au Mali on associe souvent la présence de ces oeufs à un symbole de vie, rappelant que dans la mythologie bambara le monde fut créé dans un oeuf d'autruche...
Cependant on trouve de tels oeufs ailleurs qu'au Mali, comme sur la mosquée de Chingetti en Mauritanie... mais également dans de nombreuses mosquées du moyen-orient; et même sur des églises du pourtour méditeranéen !
Une thèse fait remonter leur apparition en haut de ces édifices religieux au XVIIIe siècle, et selon elle, l'oeuf avait un sens allégorique "lié au regard, à l'étoile et à la lampe, il symbolisait un rapport privilégié de l'homme à Dieu".
Les murs, dont l'épaisseur varie et s'amenuise à mesure que la charge à porter diminue, sont percés de très nombreux morceaux de bois (traditionnellement, il s'agit de rônier, un palmier répandu en Afrique sahelienne): les terrons.
Leur rôle est triple : il permet d'assurer un peu plus encore la stabilité du bâtiment, ils servent également d'appuis et facilitent ainsi le crépissage et l'entretien de la mosquée... et ils sont enfin décoratifs évidemment.
(photo : détail de la mosquée de Diafarabé)
Les façades, celles des maisons de Djenné notamment, sont un autre élément fondamental de l'architecture soudanaise.
Il y a toute une symbolique d'éléments représentant les hommes, les femmes, les enfants... Une explication simple consiste à considérer les 2 pointes extérieures de la façade prinicpale comme symbolisant les parents et les pointes situées à l'interieur comme le nombre d'enfants. Cela dit il y a d'autres explications mais faisant toujours référence à l'organisation sociale et familiale.
Il en existe de 2 types : les façades dites toucouleurs, avec un auvent ("gum hu") situé au dessus de la porte d'entrée, et les façades marocaines (sans gum hu). Ces déterminations viennent du fait qu'au XIXe siècle, les premiers explorateurs à visiter Djenné semblent avoir remarqué que les toucouleurs vivaient dans des maisons avec gum hu, tandis que les marocains dans celles en étant dépourvu...
Dans les détails, les moucharabiehs, les arcs des portes... on ne peut s'empêcher de penser aux architectures marocaines ou andalouses.
(photo : détail de la mosquée de Diafarabé)
S'agirait-il de synapomorphies comme je pourrais dire à mes élèves voulant reconstituer des phylogénies ?
Caractères dérivés partagés qui signifieraient une relation de parenté ?
Convergence évolutive ou réelle homologie ?
Bref,
hasard ou réalité scientifique ?