Visite d'une ferme à spiruline
Il y a quelque temps (voir post du 13/02 dernier) je vous parlais de la spiruline, cette cyanobactérie photosynthétique qui concentre beaucoup d'espoir dans la lutte contre la malnutrition au Mali.
Depuis quelques années, plusieurs fermes de production et de diffusion de spiruline ont ainsi vu le jour. Elles se sont créées à l'initiative de l'ONG Antenna Technologie, grâce à différents partenaires locaux comme l'association CAB Démé So, et sont financées principalement par la coopération française... Quatre sont aujourd'hui en activité au Mali : une à Bandiagara (au pays Dogon), une à Safo (à une quinzaine de kilomètres de Bamako), une à Sansanding (à 50 km au nord de Ségou) et enfin une à Mopti, plus précisément à mi-chemin entre Sévaré et Mopti.
C'est dans cette dernière que je me suis rendu.
Au Mali rien n'est compliqué, et quiconque présente un peu d'intérêt pour quelque chose s'en voit rapidement ouvrir les portes. Le temps de montrer un œil curieux à la grille et le gardien nous ouvrait, celui de poser 2 ou 3 questions et Moussa Dembélé, le chef d'exploitation, était aussitôt prévenu par téléphone, grimpait sur sa moto et venait nous retrouver pour nous faire visiter ses bassins...
A l'heure qu'il est, la ferme dispose de 4 bacs en activité de 150 m2 chacun et de 2 bacs neufs, pas encore fonctionnels mais qui devraient l'être bientôt, lorsque tous les financements auront été réunis pour le lancement de la phase II d'exploitation.
Pour avoir une productivité maximale, les spirulines ont des besoins bien spécifiques : elles baignent donc dans une l'eau à laquelle est ajoutée une solution de fer, de bicarbonate et de cendre. Le pH doit rester alcalin (entre 8 et 11) et surtout, photosynthèse oblige, elles doivent avoir suffisamment de lumière. Suffisamment, mais pas trop : pour elles aussi, comme pour notre alimentation, les apports doivent être équilibrés. Il faut de tout mais en quantité suffisante. Aussi, les moteurs alternent 1/4 d'heure de battements et 1/4 d'heure de pause afin d'entretenir le courant nécessaire pour faire circuler les spirulines sous une succession de zones couvertes et de zones exposées : elles se retrouvent ainsi tantôt à l'ombre, tantôt à la lumière.
Si les bassins et le milieu de culture sont correctement entretenus, la biomasse de spiruline augmente chaque jour de 25%. Les 4 bassins permettent donc d'alterner les prélèvements : les spirulines y sont récupérées tous les 4 jours grâce à des tamis.
Le produit récupéré est ensuite pressé, et la pâte obtenue (encore très hydratée) est passée dans une sorte de piston afin d'obtenir des spaghettis de spiruline qui seront disposés sur un papier.
Les fils de spiruline sont alors mis à sécher le plus rapidement possible (moins de 6h) et à moins de 60°C afin d'en préserver les qualités nutritives (vitamines et acides gras essentiels).
Le poids des spirulines, après qu'elles ont perdu l'essentiel de leur eau, se réduit au final de 3/4, ce qui présente un gros atout pour leur conservation, et l'on peut émietter les filaments en vu du conditionnement en sachet.
Les 2 bassins qui fonctionnent actuellement permettent de cette manière de produire environ 75 kg de spiruline par mois. L'objectif visé est d'arriver à terme à 1200 m2 de bassin avec la mise en eau des 2 bassins non fonctionnels et la réalisation de 2 autres, mais de gros efforts sont à faire et déjà entrepris concernant la sensibilisation et la diffusion. La production est en effet actuellement très nettement supérieure (c'est le moins qu'on puisse dire) à la demande. Les pharmacies des régions concernées par le projet sont dotées de sachets mais les ventes y sont très rares. Si les achats individuels sont évidement une des ambitions du programme, les principales visées de diffusion concernent la distribution au sein des CSCom (centre de santé communautaire) et dans les écoles, l'équivalent des bonnes cuillerées d'huile de foie de morue de la France d'antan !
La tâche est titanesque puisque que vouloir modifier, ne serait-ce que d'un iota, des habitudes alimentaires, relève d'un défi quasi insurmontable... mais quasi seulement ! Tous les espoirs sont permis...
En attendant, si vous avez de la place dans votre jardin et que vous voulez produire votre propre spiruline (qui, bien sûr, sera la meilleure d'entre toutes) pour assaisonner vos sauces, en faire des confitures ou parfumer vos crumbles, tout est expliqué sur le site d'Antenna Technologie... Y a plus qu'à !